Géocritique

L’imaginaire littéraire est largement marqué par les images de l’espace et les métaphores territoriales dont l'écho a beaucoup évolué pendant des siècles. D'un topos mythique à une figure imaginaire modernisée, l’espace et ses représentations littéraires suivent et subissent les transformations des modes de vie humaine. Or, à l'ère postmoderne, nous sommes loin de l'image homogène et cohérente de la ville moderne, issue de la mondialisation. La plupart des œuvres de Patrick Modiano, écrivain contemporain français, investissent la thématique de la ville et de l'espace dans un vaste projet de la quête d'identité et d’une réhabilitation collective d’une race. Pourtant, l’originalité de la démarche de l’écrivain réside dans les stratégies narratives postmodernes qui transforment la ville en un espace littéraire par excellence. Parmi ces œuvres, Quartier perdu et Rue des boutiques obscures illustrent bien cette hypothèse que notre écrivain, afin de mettre en fiction l’espace postmoderne, tend à reformuler les mécanismes textuels et référentiels mis en œuvre pour incarner l'espace urbain. À travers des exemples tirés de ces deux œuvres mentionnées et en nous basant sur la définition et les caractéristiques du postmodernisme et en nous référant aux idées de Bertrand Westphal sur la géocritique et les représentations de l’espace, cet article vise à analyser tout d'abord, ces stratégies et mécanismes et leur mode de fonctionnement et ensuite à dévoiler la finalité recherchée par l’auteur concernant l’articulation de l’espace dans ses romans.     

Résumé— La géocritique de Berthrand Westphal est géocentrée et met l'espace au centre de ses débats. Il souligne l'incomplétude d'un seul regard pour l'appréhension de l'espace et propose une confrontation entre les trois points de vue endogène, allogène et exogène qu'il appelle multifocalisation. Il rejette aussi l'hégémonie de la vue et précise que la perception de l'espace s'opère par un biais polysensoriel. Selon lui quand le point de vue du regardant change, la perception sensorielle change également et pour chaque observateur les sensations qui favorisent le saisissement de l'espace sont différentes. Pour l'étude de Machhad «ville sainte» au travers ses représentations littéraires nous avons adopté la géocritique comme méthode de recherche : trois œuvres ont été sélectionnées selon le principe de multifocalisation : le roman Pāris, Pāris pour le point de vue endogène, le recueil de nouvelles Āqā edjāze mā nabudim pour l'allogène et le récit de voyage Safarnāme-ye Hādji Dāvud Nāser pour l'exogène. Étant donné que le paysage polysensoriel échappe à l'homogénéité, l'objectif principal de cet article est de révéler l’identité dynamique et polyvalent de cette ville.

Au XXe siècle et plus précisément à la fin de la Seconde Guerre mondiale, la représentation littéraire de l'espace référentiel résultant de la pensée post-coloniale et postmoderniste reprend une place essentielle. Dès lors, l’étude interdisciplinaire de la littérature et de la géographie donne naissance à la géocritique, méthode d’analyse littéraire élaborée par Bertrand Westphal dont l'intérêt réside dans l'étude de la référentialité géographique et la fiction. Associé à l’analyse géocritique, nous mettons en lumière le Petit Prince, l’œuvre d’Antoine de Saint-Exupéry. Ce chef-d’œuvre met en valeur le rapport entre la fiction et la référentialité. En effet, cette œuvre possède autant de valeur littéraire que géographique. L'originalité de cette recherche consiste à examiner la spatio-temporalité à travers le Petit Prince en s’appuyant sur la géocritique telle qu’une méthode d’analyse interdisciplinaire. En tenant compte des théories géocritique, le temps en tant qu’une dimension de l’espace se spatialise et devient anachrone. Les résultats de la recherche révèlent que le pluralisme et le multiculturalisme sont nécessaires en vue de représenter l’espace polychrone et hétérogène. Ainsi, ce travail de recherche nous pousse à nous pencher sur la valeur de l’humanité à travers la lisibilité de l’œuvre littéraire et la réaction réciproque.