La notion de polyphonie renvoie aux réflexions de Bakhtine qui, par ses analyses linguistiques sur la poétique de Dostoïevski (1970), remarquait que l’œuvre romanesque n’est pas un dialogue clos de l’auteur, mais un lieu par excellence de dialogue, interaction et de rencontre de plusieurs voix. Il s’agit bien sûr de multiplicité de «consciences équipollentes» et des pluralités de styles qui se disputent et se font entendre simultanément à travers le discours du narrateur. De son inspiration bakhtinienne, le linguiste-pragmaticien français O. Ducrot (1972, 1980b & 1984), a repris ladite notion et l’a développée pour élaborer sa fameuse théorie de polyphonie énonciative-sémantique. Il faut remarquer que la thèse de Ducrot en reste théorisée et originale; sachant que Bakhtine ne s’intéresse généralement qu’aux configurations polyphoniques dans les textes littéraires, mais tandis que le linguiste français s’appuie essentiellement sur une description polyphonique de la phrase qui est unité de la langue. Dans cette recherche polyphonique, tout en optant pour la polyphonie linguistique ducrotienne, nous voudrions dire comment le sens d’un énoncé se construit entre le «déjà-dit»(de l’interlocuteur-énonciateur) et le «dire» du locuteur-sujet parlant au moment de la constitution de son discours. Ce qui nous intéresse plus ici, c’est l’excellent rôle de certains marqueurs linguistiques qui recèlent la trace de la voix ou point de vue de l’autrui du discours romanesque qui parle indirectement (non en chair et en os) à travers l’acte d’énonciation du locuteur-narrateur.