Selon une loi qui rappelle l’accumulation du capital ou l’agrégation des corps dans l’espace, les auteurs sont d’autant plus étudiés que la littérature qui les concerne est abondante. Inversement l’oubli où d’autres sont plongés semble s’aggraver à chaque publication nouvelle sur les premiers. Pourtant un dossier très mince à la BNF ne signifie pas que l’auteur n’avait rien à dire. Beaucoup n’ont pas senti autant que Colette ou George Sand ou comme ces romancières au nom d’homme1, l’aiguillon de la nécessité. Bien souvent, après un ou deux essais, une femme auteur a fait foi des jugements condescendants de l’autre sexe. Mais d’autres encore n’ont pas attaché à l’écrit – ni au statut de l’écrivain – le prestige qui l’a entouré depuis le temps des Lumières jusqu’à, disons, l’invention du livre de poche. Elles ont préféré écrire pour leurs amis, pour des happy few plutôt que, comme disait Paul Valéry, pour une multitude de jeunes gens plus ou moins blasés. Il y a cependant profit à se pencher sur les œuvres rares, et je voudrais ici en montrer quelques exemples. Il s’agit de femmes que j’appelle les Singulières pour la raison qu’elles n’ont publié – selon la BNF – qu’un seul ouvrage. En voici quatre, à rebours sur la route du temps. La bibliothèque en recèle bien d’autres.