Si le Mal comprend entre autres la signification de la destruction et de la négativité, le texte lautréamontien, un texte omnivore qui s’élabore et croît en se nourrissant de la vie des autres textes, pourrait en incarner l’exemple par excellence. Ce texte hétérogène, en s’appropriant une telle absorbation dévoratrice, avance une conception novatrice du texte et de l’écriture, et exige une nouvelle lecture, qualifiée de périlleuse, dont le présupposé est le discrédit des notions tels la création et l’auteur. Pour expliquer le mécanisme complet de ce texte dont a été assez démontré le côté subversif, la présente étude se réfère aux idées du formalisme russe et de Jauss portant sur l’évolution littéraire. Mais ce mouvement négatif reste incomplet, voire stérile, sans sa contrepartie qui met plutôt l’accent sur l’idée du Bien qui ne pourrait être ni nommée ni pensée sans celle du Mal qui la précède. En exploitant largement la parodie, ce texte textophage et autophage, après avoir extrait l’âme de la littérature majeure, se métamorphose en un résurrecteur et la refonctionnalise. Il crée une écriture impersonnelle et essaie de valoriser, ou du moins d’évaluer esthétiquement la littérature marginale.