L’homme beckettien représente grosso modo sur la scène de théâtre des années cinquante le spectacle de souffrance physique et de désintégration totale du sujet qui est le fait d’un trauma et d’un complexe plus profonds, celui du vide de matières scéniques et du mal fondamental qu’on traiterait d’existentiel. En d’autres termes, le mal est dans ce monde quelque chose d’inné chez l’être humain. Ce négatif omniprésent, sur le versant duquel sont constitués la forme et le fond d’écriture beckettienne, évide la langue de son contenu sémantique et en corrode, de manière désolante, la pensée et le langage de protagonistes beckettiens, se trouvant mutilés et mis en malheur dont ils ignorent la véritable raison. Quand Vladimir appelle son compagnon d’attente de Godot, Estragon, à “se repentir”, ce dernier, répliquant “ de quoi ? / d’être né ? ”, en représente une conception insensée et tragique de l’existence qui ne dit chez eux que le néant et le mal d’être. Or l’œuvre dramatique de Samuel Beckett est en principe l’image d’un conflit verbal qui est à l’œuvre dans presque toutes les répliques échangées entre les personnages d’En attendant Godot, Fin de partie et Oh les beaux jours, qui n’ont, de leur propre aveu, “ rien à faire, rien à dire”, mais qu’ils devraient dire plus dans l’impossibilité de parler ! C’est là le sens de crise de représentation et d’incommunicabilité langagière qui est, selon la critique contemporaine, une constante phénoménologique dans la poétique du pire et du néant de S. Beckett. En ce sens, et comme occupation de cette recherche, on peut constater la violence du langage dans le théâtre de Samuel Beckett, dûe en principe au malaise du vieux corps de personnage épuisé à l’extrême qui ouvre en soi à une vision du monde pessimiste sous formes d’actes de contradiction, de disputes, d’injures, de parole lacunaire etc. pour communiquer ainsi l’incommunicable et le néant.